Le statut d’entrepreneur individuel : simplicité apparente, complexité cachée
Créer son entreprise sans passer par une société, c’est possible grâce au statut d’entrepreneur individuel (EI). Ce régime permet d’exercer en nom propre, avec un cadre légal simplifié… mais pas sans zones d’ombre. Entre protection du patrimoine et limites en cas de séparation ou décès, voici ce qu’il faut savoir avant de se lancer.
L’entreprise individuelle : un tremplin accessible
Une création ultra simplifiée
Lancer une entreprise individuelle, c’est rapide et peu contraignant. Une simple déclaration sur le portail e-procédures de l’INPI suffit pour obtenir son numéro SIREN et démarrer son activité. Pas besoin de rédiger des statuts ou de constituer un capital.
Une séparation automatique des patrimoines
Dès la création, la loi distingue le patrimoine personnel de l’entrepreneur de son patrimoine professionnel. Tous les biens utiles à l’activité (matériel, locaux, droits, etc.) sont automatiquement affectés au patrimoine professionnel, qu’ils soient détenus en propre, en indivision ou en communauté. Attention : pour les biens indivis, seule la quote-part de l’entrepreneur est concernée. Pour les biens communs, c’est l’intégralité qui est réputée professionnelle.
Tout ce qui n’est pas utile à l’activité reste dans le patrimoine personnel.
Une protection juridique renforcée
La loi encadre strictement les risques :
L’entrepreneur individuel ne peut pas se porter caution pour ses dettes professionnelles. En revanche, son conjoint ou partenaire peut le faire.
Les créanciers professionnels ne peuvent saisir que les biens du patrimoine professionnel, sauf renonciation expresse et encadrée.
La résidence principale est insaisissable, sauf si elle est partiellement utilisée à des fins professionnelles.
Les créanciers personnels ne peuvent saisir le patrimoine professionnel qu’en cas d’insuffisance du patrimoine personnel, et dans la limite du bénéfice du dernier exercice.
Une transmission facilitée
Donner, céder ou apporter son entreprise individuelle à une société ne déclenche pas sa liquidation. Mais attention : cela génère une plus-value imposable. En matière de transmission (notamment Dutreil), l’administration fiscale admet que l’exonération partielle s’applique à tous les biens nécessaires à l’exploitation, même s’ils ne figurent pas au bilan.
Les pièges du statut : entre vie privée et vie pro
Quand les biens ne vous appartiennent pas totalement…
L’entrepreneur peut exploiter des biens en indivision, en communauté ou appartenant à un tiers (conjoint, partenaire). Mais en cas de divorce, séparation ou décès, cela peut fragiliser l’activité :
Les biens communs ou indivis peuvent être partagés. Si l’entrepreneur les conserve, il devra payer la plus-value comme s’il en avait été propriétaire depuis le début.
Les biens appartenant au conjoint ou partenaire reviennent à ce dernier ou à sa succession, même s’ils étaient utilisés professionnellement.
Résultat : l’entreprise peut être déstabilisée par la réattribution des biens à leur propriétaire légitime.
Crédit : un levier limité
L’accès au crédit est asymétrique :
L’entrepreneur peut offrir une garantie personnelle à un créancier professionnel (hypothèque sur un bien personnel), mais ne peut pas se porter caution.
Les créanciers personnels ne peuvent se garantir que sur le patrimoine personnel.
Cela freine le développement du patrimoine professionnel, surtout si l’entrepreneur ne dispose pas de biens personnels à offrir en garantie.
Risques pour le conjoint ou partenaire
Le conjoint ou partenaire peut se porter caution sur les biens communs ou indivis. Il peut alors être plus exposé que l’entrepreneur lui-même, et être tenu de rembourser les dettes, même si le bien financé appartient à l’entrepreneur.
En cas de décès : fin de l’EI
Le décès de l’entrepreneur entraîne automatiquement la cessation d’activité. L’entreprise est liquidée, les dettes professionnelles deviennent celles des héritiers, et le patrimoine professionnel est transféré au patrimoine personnel.
Donation : attention aux biens communs
Donner une entreprise individuelle peut être fiscalement coûteux (plus-value). Et si le patrimoine professionnel contient des biens communs, l’accord du conjoint est indispensable pour les transmettre.